Les grandes écoles en duel contre les petits diplômes

De nombreux jeunes diplômés se laissent séduire par les métiers manuels. Déçus par le marché du travail, par les débouchés de leurs cursus de niveau Bac +5 ils ont décidé de changer de voie et de débuter un nouveau projet professionnel et donc de devenir ce qu’ils souhaitent réellement être : des travailleurs manuels.

 

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Changer de voie c’est possible mais c’est parfois compliqué comme pour Augustin, un jeune homme âgé de 26 ans et diplômé de Grenoble Ecole de Management (GEM). Lorsqu’il a annoncé à sa famille qu’il allait prendre un nouveau chemin sur le marché du travail en faisant un CAP de boucherie et donc qu’il rayait ses études de management ce fut le choc pour celle-ci. « Ils m’ont dit que j’avais gâché mon diplôme, que c’était comme si un futur patron se destinait à être éboueur. » Des mots durs mais très récurrents dans ces familles où le diplôme est certes important mais doit surtout être de renommée. Un avenir tracé l’attendait dans le monde de l’entreprise mais Augustin a décidé de déconstruire son destin en faisant un tout autre choix dans le monde professionnel.

Lors du début de sa nouvelle vie, à la fin d’études, Augustin, comme beaucoup d’autres jeunes se réorientant dans les métiers manuels, a traversé une certaine désillusion. Le monde du travail s’ouvrait à lui et il a découvert de nombreuses choses, positives comme négatives.

Première expérience professionnelle dans le monde du travail, il se souvient « j’étais en alternance dans un groupe industriel. Je faisais des études de marché. Tout était lent et la hiérarchie très pesante. Il y avait beaucoup de jeux de pouvoir qui me dépassaient. Je ne me sentais pas à ma place ». Ce sentiment de mal-être est très courant lors de l’insertion professionnelle dans la vie active. C’est pourquoi le jeune homme a pris la décision de quitter cet emploi pour s’engager dans une association où il espère obtenir un rôle et des missions plus conséquents et pertinents. Malheureusement ce ne fut pas le cas. Deuxième expérience, deuxième désillusion, il explique « Je suis tombé dans une petite structure de réinsertion par le sport de jeunes en difficulté. Le patron était tyrannique et m’a pris pour cible. » Deuxième démission.

 

 

Ce deuxième échec commence à lui faire peur, et s’il n’était pas fait pour ces métiers ? Augustin a pris le temps de réfléchir à son avenir professionnel et c’est là qu’il trouve sa nouvelle voie : il veut exercer le métier de boucher.

 

Obtenir un diplôme dans les études supérieures n’est pas toujours synonyme de satisfaction

L’Association Pour l’Emploi des Cadres explique que les réorientations des jeunes diplômés sont « un phénomène non négligeable » car 14% de ces jeunes diplômés de niveau Bac +5 expriment avoir réalisé une transition professionnelle en changeant radicalement d’orientation quelques années après avoir obtenu leur diplôme. Ce chiffre montre bien que les jeunes ne sont pas toujours épanouis après de longues études et qu’il est nécessaire pour eux de changer de voie pour cause de déception.

Pierre Lamblin, le dirigeant du département études de l’APEC a dit que « Quel que soit le type de parcours, le dénominateur commun est la déception ».

Après l’histoire d’Augustin, nous vous proposons de découvrir le parcours de Loïc, jeune homme diplômé d’une licence de sciences politiques et d’un master 1 d’économie âgé de 22 ans. Comme beaucoup d’autres, Loïc a réalisé des stages dans des instances politiques afin de mieux découvrir le monde dans lequel il souhaitait travailler. Entre Sénat, parti politique et Organisation Non Gouvernementale (ONG) Loïc a pu connaître de nombreux détails de la vie politique et il comprend très vite qu’il ne « changera pas le système, qu’il faut se plier ». Le diplômé de Sciences po explique aussi qu’ « il n’y avait plus que des logiques électorales et plus vraiment d’idées. J’aurais pu m’en douter ; c’est peut-être une désillusion classique du milieu politique »

Par la suite il a donc décidé d’emprunter de nouveaux chemins pour trouver sa voie professionnelle afin de « faire quelque chose, créer un produit de bout en bout ». Eh devinez quoi ? Il a réussi à trouver sa voie. Étant un grand passionné de distillerie, Loïc s’est inscrit en master de distillerie à l’université Heriot-Watt, en Ecosse. Un grand bouleversement dans la carrière du jeune homme qui n’était absolument pas prédestiné à se lancer de le secteur professionnel de la bière. Plus épanoui et plus serein pour son avenir le futur distillateur apprend un métier manuel et plus technique presque alchimique, loin des logiques de pouvoir à la « House of Cards ».

 
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Les études universitaires ne débouchent pas toujours sur ce que souhaitent les étudiants post bac

Voici l’histoire de Maud, jeune femme de 25 ans, qui ne se rendait pas compte que « ça faisait aussi mal de faire un métier qu’on n’aime pas, juste pour la sécurité de l’emploi ». Maud a obtenu ce que « chaque étudiant espère à la suite de ses études » en ayant décroché un Contrat à Durée Indéterminée (CDI) au sein d’une agence de marketing numérique dans la capitale française. Entre sécurité de l’emploi et bon salaire, Maud était destinée à être heureuse dans son milieu professionnel. Toutefois, un malaise constant vivait en elle. Maud explique que « pendant dix-huit mois, j’attendais dès le matin la fin de la journée, et dès le lundi, le week-end, avec impatience. » Ses études lui ont certes sûrement plu, mais ce qu’elle a découvert du monde du travail ne l’a pas convaincu. Maud est le parfait exemple pour démontrer que le choix d’un métier de raison pour ainsi se protéger dans le monde de l’emploi et subvenir à ses besoins, n’est pas toujours le bon. Elle s’est donc lancée dans un métier de passion qui lui permet donc de subvenir non premièrement à ses besoins mais bien à ses envies. « Adoratrice des fleurs et collectionneuse de succulentes », Maud avait déjà imaginé qu’un jour elle ouvrirait sa boutique de fleurs mais n’a jamais osé sauter le pas. C’est finalement pour la rentrée 2016 que Maud a pris la décision de démission de son agence de marketing pour s’inscrire en CAP de fleuriste.

Claude Fournier, chercheur au centre de recherche sur l’économie en mutation à l’université du Littoral-Côte d’Opale explique qu’ « Il ne faut pas croire que le diplômé de l’enseignement supérieur a la volonté chevillée au corps de devenir artisan, statut qu’il ignore la plupart du temps. Il ne faut pas sous-estimer l’impact de la gestion, souvent calamiteuse, des cadres dans les entreprises, qui consiste à considérer que ces personnels ne sont que de simples exécutants ou des citrons à presser. »

 

 
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Avoir des diplômes de niveau par obligation

Les nombreuses déceptions au sein du monde du travail sont étroitement liées aux difficultés et problèmes d’orientation scolaire et professionnelle. C’est d’ailleurs au sein de ces orientations que les parents des jeunes jouent un rôle plus que déterminant.

Vous souvenez-vous d’Augustin, l’apprenti boucher ? Lorsqu’il était adolescent il souhaitait d’abord faire un CAP pâtisserie, bien loin de Grenoble Ecole de Management. Il a eu droit au « passe ton bac d’abord » mais finalement, ce fut quand même l’école de commerce qu’il a dû choisir. Pourquoi ? La raison est simple, ses parents voulaient le “meilleur” pour leur enfant, c’est-à-dire une grande école de commerce que tous les jeunes s’arracheraient sans vraiment avoir la possibilité et la capacité d’y étudier.

Il est arrivé la même chose à Virginie. Cette dernière explique que "Depuis toute petite, je rêvais d’être cuisinière, mais pas question. Je réussissais à l’école et malgré le plaisir que mes parents prenaient à me faire goûter tous les vins de leur cave et les week-ends passés à cuisiner avec mes grands-parents, tous avaient d’autres espoirs pour moi. Cela serait les classes préparatoires, et puis l’Essec". Mais finalement, dix ans plus tard, elle a le dernier mot et devient vigneronne.

Même chanson pour Adrien étudiant d’une école de commerce, l’ESCP Europe. Non pas qu’il avait de grands espoirs commerciaux après ses études mais il voulait simplement "faire plaisir et rassurer sa mère". Pourtant, ce que lui souhaitait, c’était de devenir maroquinier. Un métier bien loin de son futur que sa mère se faisait un plaisir à tracer. Néanmoins, quelques années plus tard, le voilà lui aussi en CAP maroquinerie.

 

 
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Les parents certes mais aussi l’école créent une certaine opposition entre métiers manuels et métiers intellectuels. Les étudiants ayant de meilleurs résultats devraient être destinés dans une voie générale pour se diriger vers les métiers intellectuels et atteindre l’excellence grâce à de nombreux diplômés tous aussi prestigieux les uns que les autres. Par conséquence, les élèves ayant quelques difficultés seraient destinés à prendre le chemin des métiers manuels qui demanderaient moins de compétences théoriques et intellectuelles et donc seraient plus simple et appropriés pour ces élèves. Test Mon Job n’en pense pas moins, chacun devrait pouvoir choisir sa voie, qu’on soit bon ou un peu moins bon élève, tous devraient atteindre le métier de ses rêves.

« Il y a encore un état d’esprit très français qui oppose le travail intellectuel et le travail manuel, alors que les deux se conjuguent sans cesse dans le travail des artisans », regrette François Moutot, directeur de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA).

 

Dominique Steiler, enseignant chercheur à Grenoble école de management et spécialiste du bien-être au travail, affirme que "l'éducation est centrée sur l'employabilité des enfants et des étudiants. Dès la maternelle, on leur demande ce qu'ils veulent faire plus tard. On prépare des petits compétiteurs pour le marché de l'emploi."

 

 

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La difficulté de se former pour un nouveau départ

« Le processus de réorientation peut s’étaler sur plusieurs années, et les difficultés financières, temporelles et personnelles, se multiplier » (L’APEC). Eh oui changer le cours de son destin professionnel n’est pas si facile que ça. Cette transition requiert de la détermination et du soutien.

Emilie en est le bon exemple, cette mère de deux enfants, en CDI dans une compagnie maritime au Havre (Seine-Maritime) et avec un emprunt immobilier à rembourser n’arrive pas à démissionner de son emploi.  « J’ai un bac+5 en commerce international, je suis assise toute la journée devant deux PC à faire des copier-coller de messagerie Outlook. Je n’ai qu’une envie, c’est quitter cette vie et ce travail qui n’a aucun sens. Je voudrais faire de l’apiculture, mais j’ai peur de l’échec ». Pourtant elle rencontre énormément de difficultés de plus elle ne peut pas solliciter sa famille qui n’accepte pas son choix contrairement aux familles d’Augustin, d’Adrien ou encore de Maud qui eux, veulent bien aider financièrement leur enfant.

Pour conclure cet article, de nombreux anciens élèves comme Augustin ou Loïc prouvent qu’il est possible de se réorienter professionnellement lorsqu’on a emprunté le mauvais chemin. Voici une bonne nouvelle : L’APEC affirme que les personnes ayant pris la décision de se réorienter professionnellement "se déclarent satisfaits de leurs choix et heureux de ce changement. Les obstacles et difficultés qu’ils ont surmontés sont finalement l’objet d’une certaine fierté." Ainsi, les jeunes sont prêts à tout pour pouvoir exercer un emploi qui leur plaît et qui leur correspond afin d’éviter le burn-out (l’épuisement) ou encore le bore-out (l’ennui). Nous vous conseillons donc de ne laisser personne dicter votre avenir à votre place car Steve Jobs a dit “la seule façon de faire du bon boulot c’est d’aimer ce que vous faites”. Votre objectif est donc de vous spécialiser dans des filières qui vous correspondent. Sachez que nul n’est à l’abris de ces déceptions, que vous soyez étudiants à Paris Dauphine, Polytechnique en BTS ou encore en DUT… vos chemins peuvent se recroiser après vos études !

 

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